Le tapis volant nous emmène au monde des Arts de l'Islam
- Umayma
- 14 nov. 2021
- 3 min de lecture

Pensez-vous que contemporain et classique peuvent se mélanger dans un édifice ? Je vous apporte aujourd’hui un exemple concret pour appuyer ma question : le département consacré aux Arts de l’Islam au musée du Louvre. A la manière des matriochkas russes, on découvre un musée contenu dans un autre musée. Ce dernier à l’allure tout à fait contemporaine se situe au centre de la cour Visconti, dont les façades sont tout ce qu’il y a de plus classique. Les ondulations de la toiture viennent même couvrir les fenêtres par endroits. La toiture ne touche jamais les façades existantes, laissant au minimum deux mètres de distance.
La cour Visconti a été construite entre 1848 et 1852 pour agrandir le palais du Louvre sous le Second Empire. L’élément marquant de ce projet est sa toiture. De nombreuses métaphores ont émergé quant à cet élément : une tente, un voile, une dune, un tapis suspendu au-dessus du sol, … Mais les concepteurs de ce projet, Mario Bellini et Rudy Ricciotti la comparent plutôt à une aile de libellule, de par sa légèreté et sa brillance. En visitant ce musée, ce sont douze siècles d’histoire d’une civilisation que l’on vient découvrir, mais également des dizaines de pays que nous traversons. Plus de 10 000 œuvres d’art disposées le long des deux niveaux souterrains dédiés à l’exposition n’attendent que nous pour venir à leur rencontre.


C’est une réelle prouesse architecturale et structurelle. La toiture d’un mètre d’épaisseur, recouverte de métal et de verre, est supportée par seulement huit fines colonnes de trente centimètres de diamètre, pour une surface de 2000 m² environ. Aucun mur, aucune paroi ne vient diviser l’espace. De plus, le musée a été construit en sous-sol, cela veut dire qu’il a fallu creuser à une profondeur assez importante, sous la nappe phréatique, au risque de déstabiliser le reste du musée existant.

Beaucoup ont exprimé leur mécontentement face à ce projet : “je préférais la cour vide”, “n’y a-t-il pas assez de place pour ce musée au Qatar ?”, “d’interminables galeries sont inoccupées, pourquoi construire ici ?”, “le plus désespérant des clichés exotiques”, et tant d’autres ... Il est vrai que pour un architecte, la maîtrise du sujet qu’il travaille est essentielle. On pourrait rapidement croire à une fausse analogie quant au choix d’un toit rappelant un voile, une dune ou bien une tente pour abriter un musée dédié aux Arts de l’Islam … Mais essayons de changer notre regard, et d’ouvrir un peu plus notre réflexion.

Cette toiture me rappelle beaucoup la toiture du centre Pompidou-Metz. La toiture n’est que l’élément visible de cet espace, le contenu réel se cache sous nos pieds. C’est tout un monde qui s’offre à nous via cette étendue dorée qui évoque la légèreté, la liberté, la fluidité, le voyage, … C’est comme si cette toiture (dé)voilait tout un univers, en donnant des indices sur ce qu’il contient. Peut-être que beaucoup voient en cette toiture le symbole que renvoie son image, mais ce n’est là qu’un aperçu, une sorte d’ouverture spatio-temporelle, une invitation à vivre le conte des mille et une nuit. Pourquoi ne pas se laisser tout simplement envoûter par la magie de ce tapis volant ? Personne ne peut réellement affirmer sa signification, je pense qu’il est à chacun de la trouver, sans forcément chercher à pointer du doigt un problème qui n’en est peut-être pas un.

Mais ce tapis volant trouve-t-il réellement sa place dans la cour Visconti ? Pensez-vous qu’il y a des limites à ne pas franchir ? Pouvons-nous poser un élément si contemporain dans un lieu imprégné d’histoire, à l’identité propre ? Pour rappel, le palais du Louvre est passé de forteresse, à résidence royale, à arsenal, à prison, … N’y a-t-il pas un possible conflit qui peut se créer, une tension entre classique et contemporain, aboutissant à une cohabitation impossible ? Est-ce là une volonté de connecter le contemporain au classique, ou bien le choix de rompre complètement entre les deux ? Peut-être me trouverez-vous contradictoire, mais il est vrai que je n’arrive plus à imaginer le Louvre sans sa pyramide de verre. Ne serait-ce pas l’aspect récent de ce projet qui me laisse réticente et douteuse ? Peut-être que dans quelques années, la question ne se posera plus, et cette toiture se sera parfaitement intégrée dans son contexte, comme a réussi à le faire la pyramide de verre au milieu des bâtisses de pierre.
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