Christo et Jeanne Claude font (dé)couvrir l'Arc de Triomphe
- Umayma
- 23 sept. 2021
- 4 min de lecture

C’est en septembre 2020 que j’ai découvert qui étaient Christo et Jeanne Claude, lors de l’exposition “Christo et Jeanne Claude, Paris” au centre Pompidou. L'exposition eut lieu peu de temps après la mort de Christo en 2020, ayant travaillé seul sur le projet d'empaquetage de l'Arc de Triomphe, suite au décès de son épouse Jeanne Claude en 2009. Deux figures emblématiques de l’art contemporain qu’il me tarde de vous faire découvrir, si vous ne les connaissez pas encore.

Christo est bulgare, né à Gabrovo le même jour que Jeanne Claude née à Casablanca (un signe que les destins les uniraient n'est-ce pas ?). Elle est la fille du directeur de l'école polytechnique, une des plus prestigieuses écoles. Ils se rencontrent alors que Christo peint le portrait de la mère de Jeanne Claude. Son travail consistait à peindre les portraits de femmes de haut rang pour gagner un peu d'argent. Tout séparait les deux artistes, puis tout finit par les lier pour la vie. Aujourd'hui, on ne peut pas citer Christo sans Jeanne Claude et inversement. Ils ont été un réel soutien l'un pour l'autre, un soutien plus qu'indispensable dans des moments difficiles que je vais vous conter ci-après.


D’autres œuvres exposées en galeries les inspirent pour créer leurs propres œuvres abstraites, mêlant différentes matières (colle, peinture, barils, mobilier, plastique, tissus, humains …). Ils expérimentent beaucoup de choses, de façons de fabriquer l'art, en transformant les objets du quotidien. Beaucoup de leurs œuvres sont destinées à être exposées dans l’espace public de manière temporaire. Ils
travaillent à petite échelle avant de basculer vers des échelles plus imposantes.
Vous avez sûrement entendu parlé de l’empaquetage de l’Arc de triomphe à Paris. L’exposition est d’ailleurs toujours visible, et ce jusqu’au dimanche 3 octobre. Cette œuvre a suscité beaucoup de réactions de la part du public. Les avis sont mitigés, certains l'apprécient et donnent un sens à l’œuvre, tandis que d’autres la trouvent laide et n’en comprennent pas le but. 25 000 m² de tissus RECYCLABLES et 3000 m de corde rouge ont été nécessaires pour réaliser cet empaquetage. L'œuvre a été entièrement auto-financée, comme tous les projets du couple. Ils utilisent les recettes des ventes des travaux préliminaires ou bien d'œuvres originales pour financer leurs réalisations.
Cet article s’adresse à tous, mais particulièrement à ceux qui seraient réticents face à cette œuvre. Laissez-moi vous raconter tout d’abord comment est né ce projet d’empaquetage. C'est en 1961 que l'idée émerge, les artistes avaient alors réalisé un photomontage de cet empaquetage, qui aujourd'hui est devenu réalité.

Une des réalisations du couple qui a réellement marqué l’histoire est celle de l’empaquetage du Pont Neuf à Paris en 1985. Ce projet s’est fait en partie grâce à l’accord de Jacques Chirac, maire de Paris à cette date. L’exposition a duré deux semaines.

C'est la maquette qui a servi d'instrument pour dialoguer avec le maire et les parisiens. Cela n'a pas été de tout repos, le maire craignait les réactions des parisiens, leurs incompréhensions. Christo et Jeanne Claude ont tenté d'aller vers les gens, discuter avec eux pour essayer de les convaincre. Les gens ne savaient pas que le projet serait autofinancé, et donc accuseraient la ville de Paris d'utiliser les fonds publics pour des futilités. Le couple tenait énormément à ce projet, sur lequel ils ont travaillé des années durant, pour lequel ils se sont battus, pour finalement réussir à le concrétiser, enfin …
Un autre projet ayant participé à leur renommée est l'empaquetage du Reichstag à Berlin, quelques temps après la chute du mur de Berlin, en 1995.
L’art, ou du moins la façon dont on le regarde, est subjective et propre à chacun. Finalement, ce monument couvert, voilé, ne serait-il pas une façon de valoriser la beauté du monument, sa valeur, qu’on oublie peut-être trop souvent à force de passer et repasser devant, sans ne plus y prêter d’attention ? C'est un élément faisant partie intégrante du paysage parisien qui a été mis en valeur, sous les feux des projecteurs.
"Choquant", "sectaire", voilà des termes qui sont souvent revenus dans la bouche des parisiens quand leurs avis étaient demandés à propos de cet empaquetage. Les gens n'aiment pas le changement, qu'on touche à leur "vieux Paris".
Pour revenir à l'arc de triomphe, essayons de comprendre les raisons de toutes ces controverses. C'est en 1836 que l'arc de triomphe est inauguré par le roi Louis Philippe. L'idée était de Napoléon, souhaitant célébrer sa victoire à Austerlitz. Il est explicitement inspiré de l'architecture romaine, mais avec des dimensions spectaculaires (50 mètres de haut, 45 mètres de long et 22 mètres de large). C'est donc un édifice historique, lourd de sens, représentant l'identité parisienne, et même française. Recouvrir un symbole, une partie de l'identité d'une nation, serait-ce cela qui dérange ? Masquer tous les détails baroques, le matériau, les reliefs, …
Les artistes n’ont jamais réellement expliqué la raison, l’objectif derrière ces travaux d’empaquetage. Bien plus qu'une envie, une nécessité de réaliser ce projet. Exposer pour s'exposer, masquer pour révéler son existence, c'est à travers son art que Christo voulait exister. Paris, cette ville à laquelle ils tenaient à rendre hommage.
Libre à chacun d'entre vous d’imaginer ou simplement d’émettre une hypothèse. Libérez votre imagination, et dites-moi en commentaire que signifie l'acte de l'empaquetage pour vous, et que-ce que cette œuvre éveille en vous !
Masquer pour révéler
Disparaître pour manquer
Voiler pour dévêtir
Cacher pour découvrir
Le bruit du sol au contact du talon
Absorbé par ce drap monumental
Dont les plis donnent un nouveau ton
A ce lieu devenu si banal
Telle une statue grecque
Posée fièrement au milieu de la Seine
Contredisant les commentaires secs
De ceux ne comprenant pas les mécènes …
Article très intéressant et bien écrit ! J’aurais aimé voir l’arc de triomphe empaqueté … en tout cas je trouve le rendu final de l’œuvre très joli